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Thérémine

Juin 2024

Le thérémine : un instrument électronique pionnier

Le thérémine est un instrument électronique inventé par l’ingénieur russe Lev Termen (1896–1993). Il fut joué publiquement pour la première fois en 1920 et est aujourd’hui généralement considéré comme le premier instrument électronique.

Pour jouer de cet instrument, il n’est pas nécessaire de le toucher. La hauteur du son est modifiée en approchant ou en éloignant la main de l’antenne verticale. L’antenne horizontale sert quant à elle à modifier l’intensité du son. Le thérémine fonctionne sur le principe de l’hétérodyne, ce qui signifie que le signal audible est le résultat de la combinaison de deux fréquences de base. Deux oscillateurs produisent chacun un ultrason, donc inaudible pour l’oreille humaine. L’un est fixe, l’autre est variable (par l’action de la main du musicien). Ce que l’oreille entend est la différence entre les deux fréquences de base.

Un parcours international

Vladimir Lénine perçut le potentiel de l’instrument et envoya Termen en tournée de promotion à travers la Russie. Afin de démontrer le niveau techno-scientifique du communisme, il fut aussi autorisé à présenter son invention en Angleterre, en France, et surtout en Allemagne. Il arriva finalement à New York en 1927 et y résida jusqu’en 1938, année où il disparut mystérieusement de la circulation.

Termen et son thérémine comptèrent un grand nombre de fans aux États-Unis - pas seulement des musiciens et compositeurs, mais aussi des scientifiques et même le gouvernement américain. Celui-ci s’intéressait aux possibilités techniques du thérémine, mais aussi au potentiel de l’ingénieur lui-même. Il fut mandaté par le Federal Bureau of Prisons pour construire un détecteur de métaux destiné aux prisonniers d’Alcatraz.

Entre échec commercial et culte musical

L’instrument fut breveté aux États-Unis en 1928, et son inventeur attribua les droits de production à la firme RCA. Mais les hautes ambitions commerciales ne furent pas atteintes, et l’affaire se solda par un échec. Les publicités faites par RCA n’aidèrent sans doute pas à vendre l’invention comme un instrument facile à jouer pour tous. Les musiciens maîtrisant parfaitement la technique de jeu étaient très rares. On compte Lucie Bigelow Rosen, Samuel Hoffman, et surtout Clara Rockmore, la protégée de Termen.

Très peu de musique adaptée fut composée avant la Seconde Guerre mondiale. Le répertoire consistait surtout en arrangements de pièces classiques célèbres, comme par exemple Le Cygne de Camille Saint-Saëns.

Le renouveau par le cinéma et la pop

Après le départ de Termen en 1938, l’intérêt pour le thérémine disparut avec lui. Son objectif d’introduire l’instrument dans le monde musical s’éteignit. Mais il ne disparut pas pour autant dans les méandres de l’histoire. On construit - et joue - encore du thérémine de nos jours, grâce à deux genres musicaux où il connut un véritable renouveau : la musique de film et la musique pop.

L’instrument fit ses débuts au cinéma en 1945 dans les films Spellbound et The Lost Weekend. Dans les deux cas, il exprimait musicalement l’angoisse, le stress et des « sens perturbés ». Mais c’est avec l’univers spatial que l’association devint la plus persistante. Les sons du thérémine (et d’autres instruments électroniques) semblaient idéaux pour évoquer l’infini, les extraterrestres et les OVNIs. Rocketship X-M (1950) fut le premier film de science-fiction à utiliser le thérémine. Suivirent notamment The Day the Earth Stood Still (1951) et It Came from Outer Space (1953).

La percée dans la musique populaire arriva avec Good Vibrations des Beach Boys (1966). Il s’agissait toutefois d’un électro-thérémine, construit par Paul Tanner [1]. D’autres artistes firent usage du thérémine : Frank Zappa, Jimmy Page (Led Zeppelin), et Brian Jones (The Rolling Stones).

[1] Si l'électro-thérémine ressemble au thérémine par son timbre, l'instrument est conçu différemment en termes de construction. À l'intérieur de l'instrument se trouvait un bouton de hauteur relié par une corde à un curseur (à l'extérieur). Le déplacement du curseur modifiait la hauteur du son. La présence de frettes (comme sur une guitare) permettait de jouer correctement les hauteurs.

Le thérémine au MIM

Le MIM possède deux thérémines. L’exemplaire portant le numéro d’inventaire 4331 (fig. 1) fut construit entre 1957 et 1968 par un collaborateur du « Studio de Musique Électronique (de Bruxelles) », alias « Studio Apelac ». Il fut assemblé selon les recommandations de l’Allemand Joachim Winckelmann. Dans la série Deutsche Radio-Bücherei, Winckelmann publia en 1933 un manuel de 32 pages indiquant comment construire un thérémine à la maison.

L’autre thérémine (fig. 2) fut fabriqué par la firme Big Briar, fondée en 1978 par Robert Moog, surnommé le « parrain du synthétiseur ». Moog construisit son premier thérémine à 15 ans. À 19 ans, il créa sa première entreprise, R.A. Moog Co. Il commença par vendre des kits de montage (« do it yourself »), puis fournit des instruments montés et prêts à l’emploi.

Texte : Wim Verhulst

Démonstration du thérémine

"Le Cygne" de Camille Saint-Saëns par Clara Rockmore