Décembre 2023
Fig.1

Continuum Fingerboard, Lippold Haken, Illinois, avant 2016, inv. 2016.0089
Fig.2

© Lippold Haken, 2016
Fig.3

© Lippold Haken, 2017
Présentation et genèse du Continuum Fingerboard
Le Continuum Fingerboard (fig.1) est un instrument de musique électromécanique de type contrôleur-synthétiseur qui ne conserve du clavier traditionnel que le dessin des touches comme repère pour l’exécutant. Sa surface est lisse, comme la touche d’un violon (fingerboard = touche), et permet un jeu continu des sons situés entre les intervalles de la gamme chromatique. En ce sens, il est plus proche des Ondes Martenot (voir instrument du mois 07/2013) que d’un clavier électrique habituel. Certains le décrivent comme un clavier « fretless ».
Fabriqué à la main depuis ses débuts par son créateur Lippold Haken, professeur d’ingénierie électrique et informatique à l’Université de l’Illinois, le Continuum est développé vers le milieu des années 1980 et commercialisé pour la première fois en 1999.
Fonctionnement technique et capteurs sensibles
Le musicien pose ses doigts sur une couche de caoutchouc synthétique, le néoprène, sous laquelle se trouvent des centaines de tiges d’aluminium montées sur des ressorts. Ces tiges sont équipées à leurs extrémités de capteurs électromagnétiques qui détectent les informations transmises par les doigts du musicien : position, pression, mouvement (fig.2).
Ces données sont ensuite traitées par un DSP (processeur de signal numérique) et converties en données MIDI (Musical Instrument Digital Interface). Contrairement aux autres claviers maîtres MIDI, le Continuum nécessite idéalement un synthétiseur spécifique capable de traduire toutes les nuances techniques du jeu. Depuis 2008, il est ainsi équipé d’un synthétiseur modulaire interne créé par Edmund Eagan, un ami de Lippold Haken : l’EaganMatrix. Alors qu’un clavier MIDI ordinaire ne peut qu’initier ou arrêter un son, avec une sensibilité variable au toucher, le Continuum offre un jeu bien plus complexe, comparable à celui de tout instrument acoustique.
Expression musicale et maîtrise du jeu
Les capteurs situés sous la surface répondent de manière ultra-précise aux gestes des doigts dans les trois dimensions : x, y et z. Avec une résolution de 0,1 cent (un demi-ton = 100 cents) en hauteur (x), ils permettent un contrôle continu de la hauteur pour les effets de portamento. La position en profondeur (y) correspond au timbre, et celle en verticale (z) au volume sonore. Une note pressée peut ainsi évoluer en cours de jeu dans ces trois dimensions (fig.3). Une autre fonction permet de traduire le tremblement du doigt – l’effet vibrato – impossible à reproduire sur un clavier classique, et caractéristique du jeu de certains instruments comme le violon ou la guitare. Le Continuum peut également interpréter des sons polyphoniques allant jusqu’à 16 entrées.
Selon Lippold Haken, il faut des années d’apprentissage et de perfectionnement pour maîtriser le Continuum Fingerboard et développer une habilité spécifique : « Most of the instrument’s expression does not come from the sound itself; rather, it comes from what you do with your fingers ».
Texte : Matthieu Thonon